03/11/2020
L'enceinte nomade sature et la musique crachée sur la terrasse ne couvre plus tout à fait les cris de ma mère qui m'adjure de baisser le son depuis ses fourneaux. Plus elle râle, plus je monte le son. L'un de nous deux devra finir par céder et je crains que ce ne soit moi... le volume étant bientôt au maximum !
J'essaye de me concentrer sur les séries de tractions et de pompes qu'il me reste à faire. Je suis tellement fatigué que mon esprit reconsidère déjà mon projet d'enchaîner avec des exercices d'abdominaux pour finir mon entraînement. Et finalement... est-ce si important d'entretenir ce corps en 2020 ? Pour quoi ? Pour qui ?
Mon esprit cavale désormais aussi loin que possible de l'effort physique et je réalise soudain que Pavel n'a toujours pas répondu à mon message. C'est inhabituel. Deux jours sans nouvelles. Je réalise aussi qu'il me manque.
« Bonjour Professeur. J'attendais au moins une analyse grammaticale détaillée des erreurs dans mon dernier message 😉❤ »
Message envoyé à Pavel. C'est en anglais que j'envoie ce message, Pavel ne parlant pas (vraiment) français et moi ne parlant pas (du tout) slovène. Il est professeur d'anglais. Je me débrouille.
Maman sort sur la terrasse et s'approche de moi. Elle a le téléphone de la maison à la main. J'imagine qu'elle vient de raccrocher. Je comprends mieux pourquoi elle me hurlait de baisser le son... Je me sens bête quelques secondes et je suis prêt à me faire engueuler.
— Ohlala ! On s'entend pas avec ta musique de sauvage ! Ca fait dix minutes que j'essaye de te dire que je viens d'avoir ton père au téléphone. Il a fait son test PCR, dit-elle avant d'exploser de rire. Il m'a dit que ça faisait pas du bien et que l'infirmière avait eu du mal à lui faire le prélèvement.
Mes éclats de rire se joignent aux siens.
— Tu m'étonnes ! Elle n'a pas dû être déçue de son voyage avec un douillet pareil !
— Je le vois très bien reculer la tête au fur et à mesure qu'elle approchait son « coton-tige ».
On se marre de plus belle. Elle secoue la tête et les rires s'éteignent.
— Remets ton t-shirt, je t'en prie ! C'est pas le moment de tomber malade !
— Oui, Mamounette !
— Et rentre te doucher dès tu auras fini ou tu vas prendre froid !
— Oui, Mamounette !
Elle retourne à l'intérieur de la maison et j'entreprends un peu de gainage juste pour ne pas lui donner la satisfaction de me voir rentrer à sa demande. Je profite de 45 secondes de planche latérale pour envoyer un Snap à Sven. La perspective de cette photo prise à bout de bras déforme les proportions de mon corps. Mes pieds minuscules au bout de jambes démesurément longues. Mes abdos contractés au maximum se devinent encore. Mes tétons durcis par l'air froid de novembre. Mon regard sur les deux tiers de l'image qui transmet un désir qui ne m'habite même plus.
Je replie mon tapis de sol quand arrive la réponse de Pavel : « Idiot ! Je suis à l'hôpital. Ne t'inquiète pas. Pas de batterie. Pas de réseau. +😘 »
.
Sven vous a envoyé un Snap. J'ouvre sa réponse immédiatement. Il s'agit d'une vidéo dont le son a été coupé. La lueur crépitante d'une bougie sur le rebord de sa fenêtre fait danser les sapins que l'on devine derrière ses carreaux. Au premier plan, ses pieds dans d'adorables chaussettes rouges aux motifs de rênes reposent sur ce qui doit être l'accoudoir d'un canapé où il se tient allongé.
Sven vous a envoyé un Snap. Il s'agit d'une photo cette fois. L'angle avec lequel elle est prise donne l'impression d'avoir capturé le regard de Sven. Ses pieds sont nus à présent, comme son corps. Une chaussette rouge aux motifs de rênes emballe son érection. La lueur de la bougie semble plus faible et l'on ne distingue plus vraiment la forêt en arrière-plan.
Je range mon tapis de sol et mon enceinte avant de remonter prendre une douche.